Halte aux pilleurs de sable aux Célèbes !
Le sable se fait de plus en plus rare. Dans le monde entier, plages et fonds marins sont dragués pour des constructions et des îles artificielles. En Indonésie, le vol de sable affecte des pans entiers de côtes, comme dans la baie de Palu aux Célèbes. L’ONG anti-exploitation minière JATAM tire la sonnette d’alarme
Mises à jour AppelAu gouverneur de Sulawesi central et au préfet de Donggala
“Stop au pillage des Célèbes ! Merci d’empêcher l’extraction de sable dans la baie de Palu ainsi que dans le district de Donggala”
Etal Douw est sur la côte de sa ville natale, Palu. Il contemple la grande baie. Un cratère de sable de 20 mètres de profondeur s’ouvre juste devant lui ; d’autres excavations viennent grignoter le rivage de la baie autrefois boisée.
Une succession de barges chargées de sable défilent sur les eaux du fleuve Labuan. La côte de la baie de Palu est vidée de son sable jusque dans le district de Donggala dans le Sulawesi central. Les montagnes de Gawalise à l’ouest de la baie sont criblées de trous. Les forêts de mangrove disparaissent, les fleuves s’envasent et les champs s’assèchent.
50 barges de 3 000 tonnes transportent du sable en direction de Bornéo. « Nous avons calculé que 18 millions de tonnes de sable sont extraites chaque année de notre côte pour construire les autoroutes Trans-Bornéo et Trans-Papua » explique Etal. « Ou pour créer des îles artificielles ou fabriquer du ciment et du béton. »
Les routes traversent les forêts de Bornéo et Papua - constituant des voies de transport pour le bois tropical, l’huile de palme, le minerai. L’extraction de sable ne détruit donc pas seulement la côte, elle sert également de base à l’épuisement d’autres ressources.
Selon le PNUE, 47 à 59 milliards de tonnes de sable sont extraites chaque année, plus de la moitié étant destinée à la production de ciment et de béton. La production de ciment a triplé dans le monde au cours de la dernière décennie.
Singapour a agrandi son territoire en effectuant des remblaiements avec du sable d’Indonésie, du Cambodge et de Birmanie. Des dizaines de petites îles ont disparu.
« Les conséquences sont catastrophiques. L’exploitation forestière, la pêche et la culture de légumes ne sont plus possibles. Et nous sommes exposés aux glissements de terrain et aux inondations. Aidez-nous à empêcher la raréfaction du sable ! »
ContexteLe sable - une crise mondiale insoupçonnée
L’extraction de sable provoque une « crise environnementale mondiale, dont vous n’avez certainement jamais entendu parler », titrait le Guardian début 2017. L’extraction de sable et de graviers dans le monde a pris une ampleur sans précédent.
Selon l’estimation du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) réalisée en 2015, 47 à 59 milliards de tonnes de sable sont extraites chaque année et le sable est devenu plus rare qu’on ne le croit. La plus grande partie du sable est consommée par le BTP, afin de satisfaire la demande exponentielle de ciment et de béton. La production de ciment a triplé dans le monde au cours de la dernière décennie. Le pillage de sable touche surtout les pays, dans lesquels les lois environnementales sont faibles ou inexistantes, les droits de l’homme ignorés et les cas de corruption endémiques, tels que le Cambodge, la Birmanie, l’Inde et l’Indonésie. Les réseaux criminels y ont les mains libres ; le pillage de sable est contrôlé depuis longtemps par une mafia agissant à l’échelle mondiale.
Après l’eau, le sable est le matériau brut le plus demandé au monde. Il joue un rôle clé dans la fabrication du verre, des composants électroniques, du papier ou encore des cosmétiques. Mais c’est le BTP qui se taille la part du lion, le béton armé étant composé de deux tiers de sable. Selon le PNUE, la production de béton mondiale a englouti entre 25,9 et 29,6 milliards de tonnes de sable. Ce béton pourrait permettre de construire un mur de 27 mètres de haut et de 27 mètres de large autour de l’équateur ! Chaque kilomètre d’autoroute contient 30 000 tonnes de sable. La demande de sable augmente également en raison de la poldérisation et des projets de gestion côtière (remblaiements), surtout dans les pays en rapide expansion tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et les pays riches comme Dubaï et Singapour. Le sable du désert ne convient ni au secteur de la construction ni à celui de la poldérisation. Les grains sont lisses, ronds et ne s’agrègent pas. Le sable maritime et fluvial est anguleux et rugueux.
Pillage de sable en Indonésie
Palu est seulement l’une des 16 côtes et petites îles, où le sable est extrait à grande échelle. À cela s’ajoutent des centaines ou des milliers de lieux, où le sable est volé de manière illégale, de Java à l’île de Célèbes en passant par Kalimantan. Les pilleurs laissent derrière eux des écosystèmes côtiers détruits et une population appauvrie.
Malgré l’interdiction d’exportation, du sable est encore expédié à Singapour pour la construction de ports, d’aéroports, de routes et d’îles artificielles. Le besoin en sable constitue depuis longtemps le moteur du pays.
Les profits sont immenses ; sur la base des expériences acquises en matière d’extraction de sable dans le cadre du projet de poldérisation de la baie de Jakarta, nos partenaires de Jatam estiment qu’un chargement de 3 000 tonnes de sable rapporte presque 20 000 euros.
Le vol de sable est organisé sous forme mafieuse. Les auteurs de ces actes sont rarement arrêtés ou s’en tirent avec des peines légères. En revanche, les journalistes et les écologistes sont menacés et la population est intimidée.
Reklamasi - poldérisation
Dubaï et Singapour sont les exemples parfaits de projets d’agrandissement de territoires et de construction d’îles artificielles utilisant du sable à grande échelle. L’Indonésie a désormais interdit l’exportation de sable. Mais nombreuses sont les preuves qui montrent que les bateaux changent de drapeau en mer et livrent su sable à Singapour en fournissant de faux renseignements.
Depuis l’interdiction d’exportation de sable, la poldérisation selon le modèle de Singapour est subitement envisagée en de nombreux endroits d’Indonésie. Plusieurs grands projets de poldérisation (« réclamation » des eaux en vue de gagner des terres en remblayant la mer avec des roches et du sable ; en indonésien : reklamasi) rencontrent une forte résistance. Un immense projet visant à implanter des hôtels de luxe et des palaces dans la baie de Jakarta, pour lequel du sable est volé dans de petites îles situées à l’ouest de Java, suscite la colère des habitants de Jakarta. Un autre complexe de luxe doit être construit dans la baie de Benoa, à Bali. Et le Center Point of Indonesia, une ville luxueuse en front de mer, est en cours de planification au sud de l’île de Célèbes. Le sable nécessaire à ces projets doit être extrait des îles Tanakek et Sanrobone par le groupe hollandais Royal Boskalis. Des milliers de familles ont manifesté leur opposition à ce projet, attitude violemment réprimée par les autorités. Trois manifestants sont actuellement en prison.
La mafia du sable de l’île de Célèbes
Nous ne savons pas combien de tonnes de sable provenant de Palu ont été acheminées à Singapour. Des navires-dragueurs de sable conduits par des équipages indonésiens refusant de fournir des renseignements sur la provenance de leur chargement mouillent régulièrement dans le port de Singapour.
À côté des entreprises (légales) immatriculées, une multitude d’entreprises illicites agissent dans la baie de Palu et dans le district de Donggala. Dans le port de Pantoloan, en plus des 12 entreprises immatriculées, 38 autres entreprises illégales transbordent le matériau dans leurs bateaux. Ces 50 entreprises occupent par ailleurs de vastes portions du rivage pour stocker et charger le sable et les graviers.
Conçu pour recevoir des marchandises et des passagers, le port de Pantoloan n’est pas adapté au pillage de sable. Partout où le sable et le gravier promettent des profits, de nouvelles entreprises arrivent. Elles ont même construit une île artificielle sans autorisation dans un port stratégiquement situé pour elles. Le remblaiement et les activités de dragage entraînent la destruction de la flore et de la faune marines. Cela signifie aussi moins de poissons pour la population côtière vivant de la pêche.
Un bateau de transport de taille habituelle peut contenir 3 000 tonnes de sable, les plus grands ont une capacité de 6 000 tonnes. Chacune des entreprises peut charger et acheminer 3 000 tonnes de sable tous les deux à trois jours. En d’autres termes : chaque année, 18 millions de tonnes de sable et de gravier sont extraites des côtes et des montagnes du centre de l’île de Célèbes. Ce chiffre impressionnant montre à quel point le dragage des côtes est massif et les empêche de jouer leur rôle de barrière de protection naturelle.
L’extraction de gravier et de sable sur la côte et les montagnes environnantes a des impacts sur les routes. Les routes publiques sont dans un état catastrophique, l’accumulation élevée de poussière engendre une augmentation des maladies des voies respiratoires.
Le pillage de sable n’intéresse ni la province de Sulawesi central, ni la ville de Palu, ni encore le district de Donggala.
Au gouverneur de Sulawesi central et au préfet de Donggala
Monsieur le gouverneur Longki Djanggola, Monsieur le préfet Kasman Lassa,
Le sable est une ressource convoitée pour la production de ciment et de béton. Cependant, des scientifiques ainsi que le PNUE mettent en garde contre les conséquences de l’extraction massive de sable. Le sable n’est pas seulement devenu rare, son pillage engendre des crises environnementales locales et globales qui ne peuvent plus être ignorées. La quantité de sable extraite est supérieure à celle que les fleuves peuvent fournir avec leurs sédiments. Il en résulte des côtes détruites, des rivières polluées et des mers ruinées. Les côtes ne peuvent plus jouer leur rôle de barrière protectrice, privant ainsi les habitants de leurs moyens de subsistance. Ces derniers sont par ailleurs exposés à des dangers sanitaires.
Avant que l’extraction massive de sable et de graviers ne les détruise, la baie de Palu et le district de Donggala faisaient partie des régions d’Indonésie les plus belles et les plus riches en espèces. Il vous appartient d’éviter le pire. Nous vous demandons de prendre sans délai des mesures contre les agissements illicites commis par les pilleurs de sable et de fermer immédiatement les entreprises illégales. L’ensemble des travaux d’extraction de sable réalisés dans la baie de Palu et à Donggala doivent respecter des critères écologiques et sociaux.
Le vol de sable fait désormais son entrée dans la conscience collective mondiale. Ce crime ne doit pas être associé à la réputation de votre beau pays. Nous vous demandons de penser au bien-être des générations futures et de préserver la nature du Sulawesi central, de Palu et de Donggala pour vos enfants et vos petits-enfants. Stoppez le pillage de sable !
Nous vous prions de croire, Monsieur le gouverneur, Monsieur le préfet, en l’assurance de mes respectueuses salutations..
2024
La construction d'une nouvelle capitale pour l'Indonésie, à Bornéo, est censée résoudre les problèmes de Jakarta. Mais elle en crée de nouveaux car plus de béton signifie plus d'extraction de sable. Certaines collines près de Palu, la capitale de la province du Sulawesi central au nord des Célèbes, ont ainsi été entièrement draguées.
2020-2023
Augmentation massive de l'extraction de sable, légale et illégale. Les organisations environnementales sont très actives, protestent, attaquent certaines entreprises en justice, exigent des règles environnementales strictes et des sanctions. Avec succès dans certains cas. Néanmoins, l'extraction de sable, roches, marbre et autres minerais continue sa progression.
2019
L'extraction de sable touche les zones forestières. Notre organisation partenaire Jatam Sulteng impose des mesures à six entreprises qui extraient du sable dans les forêts.
Jatam Sulteng fait une première remise de pétition. Son chargé de campagne Moh Taufik et directeur Syahrudin remettent officiellement les 99 140 signatures au gouverneur Longki, qui approuve les revendications. Voir article sur site internet de Jatam (en indonésien).
Bonne nouvelle pour les oiseaux migrateurs : la Chine stoppe les polders sur ses côtes
Le gouvernement chinois met fin à ses travaux de poldérisation sur les côtes. Et protège ainsi les aires de repos de millions d’oiseaux migrateurs, dont le menacé Bécasseau maubèche. C’est également une bonne nouvelle pour les îles du Pacifique, où du sable est pillé sans vergogne pour la poldérisation des terres en Chine.
Cette pétition est également disponible en :
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