Accaparement des terres pour l'huile de palme

Les fermiers veulent conserver leurs terres pour la cultiver eux-mêmes
27 291 signatures

En Sierra Leone, la société financière SOCFIN, contrôlée par le groupe Bolloré, veut faire planter 12.000 hectares de palmier à huile pour la production d'agrocarburants. Pour attirer les investisseurs étrangers, chefs traditionnels, politiques et fonctionnaires ont bradé les terres des paysans, les privant de moyens de subsistance.  

Appel

Le groupe Bolloré se trouve à l'arrière plan d'un conflit foncier . La société financière luxembourgeoise SOCFIN, que le groupe contrôle, prévoit d'y faire planter une surface de 12.000 hectares pour cultiver le palmier à huile, avec en ligne de mire la production d'agrocarburants. Elle bénéficie d'un accès quasi-gratuit à certains territoires car, pour attirer les investisseurs étrangers, chefs traditionnels, politiques et fonctionnaires du gouvernement sierra-léonais bradent les terres de petits paysans qui perdent dans l'opération leurs moyens de subsistance.

« De vastes zones rurales sont défrichées en ce moment même pour accueillir des monocultures de palmiers à huile. La très riche flore du lieu sera détruite lors de ce processus » explique Joseph Rahall, directeur de l'organisation Green Scenery en Sierra Leone. Ce défenseur des droits de l'homme ajoute : « Les agriculteurs et leurs famille cultivent différentes denrées leurs permettant de surmonter les périodes de pénurie alimentaire. Nombre de ces familles ont maintenant arrêté leurs cultures car elles craignent de voir des entreprises multinationales occuper leurs sols. Des villageois qui ont protesté pacifiquement contre l'occupation illégale de leurs terres se sont fait arrêter. Certains sont en passe d'être jugés. La politique des pays du Nord en matière d'agrocarburants est une menace pour la sécurité des habitants dans les pays comme le notre ».

Suite...

Veuillez écrire au président de Sierra Leone et son ambassadeur en Belgique pour l'arrêt immédiat du projet de plantation de la SOCFIN et la restitution de leurs terres aux paysans.

Contexte

Green Scenery, l'organisation de Joseph Rahall, a publié une étude (en anglais), publiée en mai dernier, résultat de recherches in situ sur les impacts du projet d'agrocarburants. La filiale Socfin Agriculture Company S.L. Ltd (SAC) a déjà obtenu un bail de 50 ans sur une zone de 6.500 hectares dans la chefferie de Malen (district de Pujehun, au sud-est de la Sierra Leone).

Les chef traditionnels ont mis des terres à disposition du gouvernement qui à son tour les a « livrées » à la SAC. Les agriculteurs, propriétaires des terres rejettent l'accord d'un bail les privant de leurs terres et pour lesquels ils n'ont été ni consultés, ni suffisamment informés. Ils perdent leurs moyens de subsistance et ne reçoivent en compensation que de dérisoires indemnités. En réponse, ils se sont tourné vers le gouvernement et porté plainte. Mais les autorités étant parties prenantes dans cette affaire, les paysans n'ont personne pour faire valoir leurs droits. Les protestataires sont sujets à des intimidations.

Le gouvernement de Sierra Leone aime à proclamer que le pays dispose de millions d'hectares de terres cultivables et qui ne sont à ce jour « pas ou peu utilisées ». Ainsi l'agence pour la promotion des investissements et des exportations en Sierra Leone (SLIEPA), financée par la Banque mondiale (et sa Société financière internationale - SFI), prévoit de céder sur du long terme  des terres agricoles aux grands investisseurs. Les attraits de la Sierra Leone pour Socfin sont nombreux: prix du bail extrêmement bas, importantes exonérations fiscales, salaires minima, faible réglementation environnementale et corruption généralisée. En d'autres termes des conditions ressemblant fort à celles de l'époque coloniale.

Plus de 10% des territoires sont occupés à ce jour par les entreprises de l'agro-business. Dans son rapport intitulé « Understanding Land Deals in Africa » (Comprendre les accords fonciers en Afrique), l'Oakland Institute suggère que l'acquisition de terres à grande échelle en Sierra Leone est caractérisée par un manque de transparence, de divulgation et de faibles cadres juridiques. Pour citer le rapport: « Des terres sont en train d’être cultivées pour la production d'agro-carburants plutôt que la production alimentaire pour les marchés locaux, soulevant de sérieux doutes sur la valeur des investissements pour la sécurité alimentaire locale ».

Les plans de la SAC sont considérables. Elle prévoit d'acquérir jusqu'à 40.000 hectares de terres en Sierra Leone. Sa maison mère SOCFIN exploite déjà 90.000 hectares de plantations de palmiers à huile et 50.000 hectares de plantations de caoutchouc dans plusieurs pays africains et en Indonésie. Au Cameroun, la SOCAPALM, une autre filiale du groupe, a défriché la forêt tropicale et fait chasser les pygmées de leurs terres ancestrales. Un journaliste, Benoit Collombat, et la radio France Inter qui avait diffusé son reportage concernant cette affaire dans l'émission Interceptions se sont fait attaquer en justice et condamner pour diffamation*. En août 2011, c'était au tour du magazine en ligne Rue89 (en la personne de son directeur de publication et du rédacteur d'un article incriminé) d'être mis en examen. Toutes ces pressions sur les acteurs de l'information ont peut-être lieu car derrière Socfin, SOCAPALM et autres sociétés se cache le groupe Bolloré, protagoniste majeur et vitrine de l'industrie française dans le monde.

Ces transactions territoriales sont depuis plusieurs années assimilées à des « accaparement des terres ». Le réseau International Land Coalition a publié les résultats de son projet de recherche sur les pressions commerciales sur les terres dans le monde. De 2000 à 2010, 200 millions d'hectares de terres ont été l'objet d'acquisition autour du globe. Sur 71 millions d'hectares étudiés plus en détail, plus de la moitié concerne des terres associées à la production d'agrocarburants. 
Pour voir le jour, les plantations industrielles s'installent dans des milieux naturels et cultivés traditionnellement par les populations locales. Les paysans sont privés des terres fertiles où ils cultivaient des denrées alimentaires. On leur demande de voir, sans mot dire, leurs terres s'appauvrir et se faire empoisonner par la culture industrielle et son arsenal chimique d'engrais et de pesticides. Tout cela pour la production d'agrocarburants destinés à l'exportation.

Les carburants à l'huile de palme génèrent de grands profits en Europe. L'Union Européenne exacerbe l'utilisation des agrocarburants en imposant son utilisation par la loi sous le prétexte qu'ils ralentissent le réchauffement climatique. Des scientifiques du monde entier ont déjà mis en garde contre cet argument qu'ils estiment faux. Les agrocarburants polluent énormément. Pire, quand est prise en compte la totalité de leurs cycles de production et de consommation, il s'avère que les soit-disants « biocarburants » sont bien pires pour le climat que les combustibles fossiles. Parce que la production des agrocarburants se fait au prix de la famine par l'accaparement de terres arables, l'ONU et d'autres organisations internationales exhortent les pays industrialisés à changer leur politiques énergétiques.

Site internet des organisations Green Scenery (en anglais) et Grain.


* la diffamation en droit français signifie l'intention de nuire à une personne et non pas la fausseté avérée d'un propos ou un mensonge la concernant.

Lettre

TRADUCTION FRANÇAISE DE LA LETTRE DE PÉTITION ORIGINALE PROVENANT DE SIERRA LEONE

M. Ernest Bai Koroma,
Président de la République de Sierra Leone

Ambassade de la République de Sierra Leone
M. Christian Sheka Kargbo, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Sierra Leone en Belgique
410, avenue de Tervuren
B-1150 Bruxelles - Belgique
Tél : +32 2 771 00 53
Fax : +32 2 771 82 30
sierraleoneembassy@brutele.be
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Objet: Préoccupations relatives aux investissements à grande échelle dans la chefferie de Malen - district de Pujehun.
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Monsieur le Président,

Par ce courrier, je vous fais part de ma vive inquiétude au sujet de la transaction foncière à grande échelle mise en place par le gouvernement de Sierra Leone (GoSL) et la Socfin Agriculture Company S.L. Ltd (SAC) dans la chefferie de Malen - district de Pujehun. Cet accord a mis les petits agriculteurs dans une situation plus précaire qu'elle ne l'était auparavant.

Lors de votre allocution présidentielle à l'occasion de l'ouverture du parlement, vous avez parlé de la SAC comme d'un succès marquant de votre politique pour attirer les investissements étrangers. C'est M. Sam Sesay, ministre de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la forêt (MAFFS), qui a signé au nom de votre gouvernement la convention de bail pour une zone de 6.500 hectares dans la chefferie de Malen (district de Pujehun) pour la sous-loué ensuite à la Socfin pour plus de 50 ans, compte-tenu de l'extension de 21 ans prévue. Nous craignons que cet accord foncier ne profite pas aux propriétaires et utilisateurs de ces terres qui pour la plupart sont des femmes dont l'activité agricole procure vivres et revenus. Cet accord ne réduira pas la pauvreté rurale et ne contribuera pas non plus à la sécurité alimentaire, priorité déclarée de votre gouvernement.

Des rapports d'études révèlent que l'ensemble du dispositif et des procédures souffre d'un manque de transparence. Les propriétaires fonciers n'ont pas été informés des faits mêmes les plus élémentaires concernant cet accord. Leurs terres n'ont pas été étudiées et cartographiées correctement. Leurs moyens de subsistances n'ont pas été évalués d'où une indemnisation insuffisante. Le contrat de bail n'a toujours pas été mis à leur disposition. Le chef suprême est accusé d'avoir usé d'intimidation pour obtenir les signatures des propriétaires terriens. De plus, les personnes concernées n'ont pas toutes été consultées et l'information n'a été diffusée ni de manière adéquate ni en temps opportun. Les lignes de conduite pour les investisseurs, publiées par le ministère de l'agriculture (MAFFS) et l'Agence de promotion pour l’investissement et les exportations du Sierra Leone (SLIEPA), ont été ignorées car elles sont non contraignantes. La transaction avec la SAC ne remplit aucun critère des meilleures pratiques développées par les Nations Unies, la Banque mondiale et la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture).

La manière dont s'est déroulé cet accord foncier discrédite les bonnes initiatives de gouvernance que le message de votre campagne laissait espérer. Selon des sources locales, le contrat de bail et de sous-location ne sont pas enregistrés, et l'Etude d'impact environnemental (EIA) ne remplit pas les standards de l'Agence de protection de l’environnement (EPA). A ce jour, l'entreprise participe à plusieurs opérations majeurs dans le pays. Une analyse juridique du contrat de bail met en doute la légalité de ce document au regard du droit sierra-léonais.

Les indemnités ponctuelles d'un million de leones (moins de 230 dollars US) pour un acre de plantation de palmiers à huile sur une durée 50 ans et un loyer annuel de 12,50 dollars US par hectare payé pour le terrain, les différents avantages fiscaux et autres dispositions (accès et utilisation de l'eau, clause de stabilisation etc.) garantis par le gouvernement à l'entreprise suscitent des doutes quant au profit réel à tirer pour la Sierra Leone d'une telle transaction foncière.

Les griefs et courriers des propriétaires touchés semblent avoir été ignorés. La réponse à cette approche pacifique fut une vague d'arrestations et d'intimidations. Quinze propriétaires font déjà face à la justice et les tensions récentes entre l'entreprise et ses employés ont conduit à une intervention policière musclée et d'autres arrestations. Les propriétaires fonciers contestent le contrat de bail et les travailleurs manifestent entre autres contre le retard dans le paiement de leurs salaires.

Une présence policière fortement armée se fait sentir dans la chefferie. Selon certaines rumeurs, elle serait payée et prise en charge par l'entreprise. Les activités de loisirs ou culturelles comme la danse ont même été interrompues dans les villages, ce qui ne fait qu'aggraver une situation déjà tendue.

Des rapports sur les conditions de travail rendent encore plus septique sur le fait que des familles peuvent améliorer leurs conditions d'existences à travers un tel investissement. Les contrats de travail sont pour la plupart occasionnels. Les fermiers qui autrefois étaient des agriculteurs productifs doivent maintenant marcher des heures pour se rendre sur le site de l'entreprise. Ils perçoivent des salaires de 10.000 leones (environ 2.30 Dollars US) par jour qui sont loin de compenser la perte de revenus par leur agriculture. L'entreprise ne leur fournit ni vêtements et outils de travail ni soins médicaux.

Ces conditions rendent la situation explosive. Des organisations de la société civile ont lancé des avertissements car cette transaction foncière et d'autres mèneront à des conflits si elles perdurent.

Monsieur le président, nous vous exhortons par conséquent à:
- ARRÊTER SANS DÉLAIS L'OPÉRATION SAC
- DEMANDER LA PUBLICATION DE TOUS LES DOCUMENTS RELATIFS À LA TRANSACTION FONCIÈRE AFIN DE ,
- PERMETTRE UNE ANALYSE COÛT BÉNÉFICE
- METTRE EN PLACE UNE COMMISSION TOTALEMENT INDÉPENDANTE EN CHARGE D'ENQUÊTER SUR L'ACCORD FONCIER
- USER DE VOTRE POIDS POLITIQUE POUR TROUVER UNE SOLUTION PACIFIQUE AU CONFLIT. PROTÉGEZ LES PROPRIÉTAIRES FONCIERS TOUCHÉS ET LES TRAVAILLEURS LOCAUX D'UNE EXPLOITATION FUTURE.

Nous vous remercions pour votre attention et vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre profond respect.

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PÉTITION ORIGINALE EN ANGLAIS


His Excellency President
Dr. Ernest Bai Koroma

The Embassy of
The Republic of Sierra Leone
H. E. Jongopie Siaka Stevens, Ambassador
Herwarthstrasse 4, 12207 Berlin ,
Germany
Tel: +49 30 7720 5850,
Fax : +49 30 772058529
slberlin@foreignaffairs.gov.sl

Letter of concern on Large-scale Investment in Agriculture in Malen chiefdom, Pujehun District

Dear Mr. President,

I am writing to you with grave concerns about a large-scale land deal set up by the Government of Sierra Leone (GoSL) and Socfin Agriculture Company S.L. Ltd (SAC) in Malen chiefdom, Pujehun District. This deal has put smallholder farmers more insecure than they were before.

In your presidential speech on the occasion of the recent opening of parliament you referred to SAC as one of the successes of your policy to attract foreign investment. It was the Minister of Agriculture, Forestry and Food Security (MAFFS), Dr. Sam Sesay, who signed on behalf of your Government the lease agreement for over 6,500 hectares in Malen chiefdom, Pujehun District and then sub-leased it to Socfin for over 50 years, considering the 21 years extension. We are concerned that the land deal will not benefit the landowners and the land-users, mainly of whom are women who depend on their farming for food and income, and it will not reduce rural poverty and contribute to food security, which your government has made a priority.

Fact-finding mission reports have revealed that the whole arrangement and the procedures suffered from a lack of transparency. Landowners were not given even basic facts about the agreement. Their land was not properly surveyed and mapped. Their livelihoods were not assessed and as a result not adequately compensated. To date, the lease agreement has not been made available to them. The Paramount Chief has been accused of intimidation to forcefully gain the signatures of landowners. Furthermore not all stakeholders were consulted and information was not distributed adequately and in a timely manner. Policy guidelines for investors published by your ministry (MAFFS) and the Sierra Leone Investment and Export Promotion Agency (SLIEPA) were ignored because they are not binding. The SAC land deal misses out on all the best practice principles developed by the United Nations, the World Bank and the United Nations Food and Agriculture Organisation.

The manner in which the land deal was conducted undermines good governance initiatives that your Attitudinal Change campaign is addressing. According to local sources the lease and sublease agreements are not registered, the Environmental Impact Assessment (EIA) requirements have not passed the standards of the Environmental Protection Agency (EPA), yet the company is already engaged in major operations in the country. A legal analysis of the lease agreement has cast into doubt the legality of the document according to Sierra Leonean Law.

The one-off compensation of one million Leones (less than USD 230) for an acre of productive smallholder palm oil plantation for 50 years and the annual lease of USD 12.5 per hectare paid for the land, the generous fiscal advantages and tax incentives and other provisions (water access and use, stabilization clause amongst others) guaranteed by the Government of Sierra Leone to the company raises doubts about what benefits there are for Sierra Leone from such a land deal.

Grievances and recommendation letters of affected landowners seemed to be ignored by stakeholders; instead arrests and intimidation of landowners followed their peaceful approaches. Fifteen landowners are already facing the court and very recently, tension between the company and their workers have led to harsh police intervention and more arrests. Landowners are disputing the lease agreement and workers are protesting about the delay of payments and other grievances.

Heavily armed police presence is now felt in the chiefdom with rumours that they are being paid and supported by the company. They have even interrupted leisure and cultural activities such as dances in villages, which makes things worse in an already tense situation.

Reports on working conditions are causing more concerns how families can improve their livelihoods through such investment. Contracts are mainly casual, labourers that once were productive farmers now walk hours to the company site, for wages of just 10,000 Leones a day, which cannot compensate them for the loss of their farm income. The company provides them no working clothes or tools, and no medical care.

These conditions are a recipe for conflict and Civil Society Organizations have issued warnings about how this land deal and others will lead to conflicts if they continue.

Dear Mr. President, we therefore kindly urge you to

STOP SAC OPERATION NOW,
DEMAND THE PUBLICATION OF ALL DOCUMENTS RELEVANT TO THE LAND DEAL TO ALLOW FOR A COST-BENEFIT ANALYSIS
SET UP A FULLY INDEPENDENT COMMISSION TO INVESTIGATE THE LAND DEAL
LEND YOUR POLITICAL WEIGHT TO FINDING A PEACEFULL SOLUTION TO THE CONFLICT ON BEHALF OF AFFECTED LANDOWNERS AND LOCAL WORKERS TO PROTECT THEM FROM FURTHER EXPLOITATION.

Thank you very much for considering our concerns.

Yours sincerely,

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