Bois tropical - questions et réponses
Qu’entend-on par bois tropical ?
Ce terme désigne les bois issus des forêts tropicales et subtropicales d’Asie, Afrique et Amérique Latine. Le bois tropical se cache souvent derrière des dénominations comme « bois précieux », « bois dur », « bois véritable », et « bois massif ». L’acajou, le teck et le palissandre, ou les bois meilleur marché comme le meranti, le ramin et l’okoumé, proviennent tous des forêts tropicales. Au quotidien ils sont en général utilisés pour le contreplaqué, les manches à balais, les encadrements de fenêtres, les lunettes de toilettes, ou encore les murs antibruit. Pourtant, tout ceci pourrait aussi bien être fabriqué à partir de bois domestique.
La destruction des forêts tropicales est-elle vraiment une conséquence de la coupe de bois ?
La coupe de bois « durable » et « sélective » dans les forêts tropicales n’existe malheureusement pas. C’est néanmoins avec un tel vocabulaire que l’industrie du bois essaie de duper le public. Dans les forêts tropicales, les industriels usent outrageusement des bulldozers et tronçonneuses sans se soucier des conséquences. En vue d’un profit rapide, tout le bois commercialisable est extrait et la végétation restante est ravagée. Les perturbations écologiques croissantes et la perte de biodiversité sont les conséquences directes sur les milieux de vie extrêmement complexes et sensibles que sont les forêts humides.
En quoi la destruction des forêts tropicales me concerne-t-elle ?
La destruction des forêts tropicales nous menace tous, car celles-ci sont indispensables à la stabilité du climat mondial. A elle seule, la forêt amazonienne stocke par exemple 120 milliards de tonnes de carbone. 20% des émissions nocives à échelle mondiale sont dues à la déforestation, ce qui représente plus que l’ensemble des émissions imputables au secteur des transports. C’est ainsi que plusieurs pays tropicaux se sont hissés au rang des plus grands émetteurs de carbone au monde à cause de la déforestation : l’Indonésie occupe la troisième place, le Brésil la quatrième. Chez ce dernier la déforestation est la première cause d’émission de gaz à effet de serre. La France quant à elle est le premier importateur européen de bois provenant d’Amazonie brésilienne. La France et ses consommateurs devraient donc se sentir particulièrement concernés. Les forêts humides jouent également un rôle primordial dans le cycle de l’eau, qu’elles stockent par quantités immenses, ainsi que dans la diversité biologique mondiale : on estime à 30 millions le nombre d’espèces de plantes et d’animaux vivant dans les « poumons verts de la Terre », ce qui en fait un immense réservoir génétique.
Pourquoi utiliser du bois tropical quand il y a suffisamment de bois local ?
Le bois exotique est la plupart du temps meilleur marché que les espèces locales et qualitativement comparable, car les arbres des forêts tropicales n’ont pas à être plantés au préalable. La nature est pour ainsi dire pillée «gratuitement». En outre, de plus en plus de produits en bois sont importés des pays tropicaux. Les salaires y sont bas, et les hommes n’y ont pas les mêmes droits que chez nous. Cela fait baisser les prix, mais aux dépends de l’homme et de la nature. C’est pour ces raisons qu’il est très préférable d’utiliser des bois locaux plutôt que des bois tropicaux aux origines douteuses.
Est-il vrai que l’industrie du bois ouvre la voie aux brûlis et à la colonisation des forêts ?
Les arbres géants convoités par l’industrie du bois ne poussent plus que dans des territoires inaccessibles. Pour avoir accès au bois, les multinationales envahissent les dernières régions vierges des forêts primaires. Les bulldozers font des percées pour la construction de routes, ponts et lieux de stockage de bois dans la forêt. D’immenses remorqueurs traversent la forêt de part en part en traînant derrière eux les lourds troncs d’arbres. Ainsi le sol sensible des forêts primaires est détruit, et les racines et écorces des arbres encore debout sont abîmées. Colons et braconniers profitent des routes tracées par les industriels pour s’introduire dans la forêt, s’y établir et la piller.
L’industrie du bois est-elle créatrice d’emploi pour les habitants des régions tropicales ?
C’est tout le contraire, car à long terme le commerce du bois tropical prive la plupart des habitants locaux de leurs moyens de subsistance. Ce n’est qu’à court terme que le secteur du bois offre quelques emplois à un petit nombre de travailleurs. Le bois constitue seulement une petite partie des richesses et de la « valeur » des forêts tropicales: celles-ci fournissent aussi à leurs habitants nourriture, remèdes médicaux, matériaux de construction et d’artisanat. Dans de nombreux pays qui étaient autrefois d’importants exportateurs, l’industrie du bois est aujourd’hui à terre: après des années d’exploitation effrénée, les forêts ont été dépouillées ou ont tout simplement disparu. La Côte d’Ivoire, le Ghana et le Cameroun sont d’alarmants exemples de ce phénomène.
Les forêts primaires sont elles si vieilles qu’elles nécessitent une intervention humaine ?
Les forêts tropicales se sont développées pendant des millions d’années sans aucune participation humaine. Elles n’ont pas besoin des hommes, alors que nous, humains, avons besoin des forêts, tout comme les animaux. Et ce sont précisément les arbres géants exploités par l’industrie du bois qui fournissent abris et nourriture au monde animal. La coupe de ces espèces prive donc la faune tropicale de ses moyens de subsistances. Beaucoup d’arbres sont à leur tour dépendant des animaux, qui dispersent leurs graines dans la forêt. Si les animaux disparaissent, la forêt n’est plus capable de se régénérer suffisamment et continue à s’appauvrir. A cause des nombreux trous dans la canopée, la forêt s’assèche sous le brûlant soleil tropical et devient sujette à d’immenses feux, qui font des ravages tous les ans à Bornéo ou en Amazonie. La coupe du bois génère ainsi une foule de conséquences directes et indirectes qui détruisent irréversiblement les forêts primaires.
Est-il seulement possible d’exploiter les forêts tropicales de manière durable ?
En tout cas pas avec les bulldozers et les tronçonneuses de l’industrie du bois exotique. Un milliard et demi de personnes vivent dans des territoires forestiers, et ces peuples des forêts nous ont prouvé que l’on peut utiliser la nature de manière respectueuse et durable. Dans cette forme de gestion traditionnelle, la coupe du bois n’occupe qu’une place secondaire. Bien plus importantes sont la chasse, la pêche, la récolte de miel, noix, fruits, huile et latex pour les besoins locaux. A l’inverse, l’industrie du bois est uniquement intéressée par les matières premières bon marché et les profits rapides. Le pillage de nouvelles surfaces de forêts tropicales lui promet malheureusement une augmentation de ses bénéfices.
Le plus important n’est-il pas de s’assurer de l’origine légale du bois exotique ?
Dans les pays tropicaux, la coupe illégale de bois est très courante, ce qui en fait un problème majeur. Le préjudice économique atteint des milliards, les dégâts écologiques et sociaux sont plus élevés encore. Selon les données de la Commission Européenne, un cinquième des importations de bois provient de la déforestation sauvage. Ainsi 39% du bois importé en France est de source illégale. Dans les pays qui sont de gros exportateurs, la part de bois provenant d’exploitations forestières illégales est particulièrement élevée : elle est par exemple de 70% au Brésil et en Indonésie, et de plus de 90% au Cambodge. Le Parlement Européen a approuvé le 7 juillet 2010 un projet de loi visant à interdire le commerce de bois illégal au sein de l’Union Européenne. Mais on est encore loin d’une législation efficace, notamment en matière de sanctions. La mafia du bois continue à écouler quotidiennement sa marchandise dans les magasins de meubles et de bricolage des pays européen. Le bois illégal afflue dans nos ports par navires entiers chargés de conteneurs. En tant que consommateur, nous n’avons pas les moyens de contrôler ce trafic.
Le bois de plantation est-il recommandable?
Les plantations ne sont pas des forêts. Il s’agit la plupart du temps d’immenses monocultures industrielles d’essences exotiques comme l’eucalyptus, le pin et le teck. Les plantations occupent d’énormes surfaces de terre sur lesquelles poussaient autrefois forêts et leurs écosystèmes naturels, et dans lesquelles vivaient différentes populations locales. Bien qu’elles fournissent de grandes quantités de bois formaté et bon marché pour l’industrie, ces plantations ne satisfont donc aucun critère social ni écologique. La qualité du bois n’est pas comparable à celle du bois de provenance naturelle. Dans les monocultures, les arbres ont tous le même âge, sont souvent génétiquement identiques car clonés. Ils poussent alignés les uns aux autres en immenses rangées et sont aspergés de pesticides. Les plantations n’offrent quasiment aucun espace vital à d’autres espèces végétales et animales. Elles sont biologiquement mortes, ce qui leur vaut d’ailleurs le surnom de «désert vert». Les arbres sont abattus mécaniquement avec des moissonneuses, débarrassés de leurs branches et empilés pour le transport. Ce système n’offre que très peu d’opportunités d’emploi.
Les «labels bois» et «forêts» sont-ils recommandables ?
Il existe plus d’une centaine de labels concernant le bois et les forêts. Ils sont si nombreux que même les professionnels du secteur ne peuvent pas les connaître tous, et encore moins les contrôler. La plupart des labels sont librement inventés par les industriels et sont donc des publicités mensongères. Toutefois, même les quelques certificats internationalement valables comme le FSC et le PEFC ne sont pas à même de garantir une exploitation forestière écologiquement et socialement responsable. Les standards de ces labels résultent de gros compromis avec les industriels, et les critères à respecter pour obtenir les certifications sont bien trop adaptés aux intérêts des multinationales. En outre, dans la pratique, les certificateurs sont employés et payés par les entreprises du bois elles-mêmes. Ils délivrent et contrôlent des certificats étant évidemment tout sauf satisfaisant. Une inspection réellement indépendante est impossible dans ces conditions, et les cas d’escroqueries sont monnaie courante (voir : http://www.fsc-watch.org). Les forêts tropicales naturelles sont très peu certifiées, de même que les forêts communales des indigènes. Les règlements très techniques et compliqués n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité de la vie des populations locales, et les certifications sont en outre des processus longs et coûteux.
Que puis-je faire ?
Les consommateurs de bois tropical doivent avoir conscience des conséquences de leur achat. Les forêts primaires contiennent le plus grand trésor de l’humanité. Seuls les peuples indigènes connaissent à ce jour les réelles propriétés de cette biodiversité unique, tandis que notre science n’en est qu’au début de ses recherches sur les forêts tropicales. Nous sommes sur le point de mettre le feu et détruire de façon irréversible une bibliothèque vivante dont nous n’avons quasiment encore rien lu. Plus de la moitié des forêts humides a déjà été anéantie. Si nous n’agissons pas maintenant, elles auront disparu dans une génération.Il est donc primordial de renoncer aux bois exotiques et de préférer acheter ses meubles et autres articles en bois locaux et de fabrication elle aussi locale. Voici quelques conseils pour le choix et l’entretien de vos produits en bois local: Faites attention à vous procurer des produits résistants, que vous pourrez poncer, repeindre ou vernir après des années d’utilisation. Ne laissez pas vos meubles de jardin dehors sous la pluie. N’oubliez pas de traiter le bois utilisé comme matériau de construction ou pour tout usage extérieur afin de le protéger efficacement.
Sauvons la Forêt (Rettet den Regenwald e.V.) / Klaus Schenck, Ingénieur forestier