L’huile de palme à tout va, c’est fini en Papouasie
27 août 2021
La collaboration entre groupes indigènes, autorités et organisations environnementales obtient un résultat spectaculaire en Papouasie occidentale : inspection en masse de producteurs d’huile de palme, 14 retraits de licence et possiblement 24 supplémentaires. Les indigènes ont fait valoir leurs droits sur près de 300 000 hectares de forêt.
Les Autochtones, soutenus par les organisations EcoNusa et notre partenaire Pusaka, ont convaincu le gouvernement d’effectuer, au cours des derniers mois, l’examen de nombreuses plantations de palmiers à huile.
Jusqu’à présent, 14 permis de grandes entreprises d’huile de palme ont été retirés de manière définitive. Une décision portant sur 24 autres autorisations sera prise prochainement. La superficie des concessions concernées représente un total de 293 213 hectares. Une grande partie de ce territoire est couvert de forêts tropicales intactes, qui abritent d’innombrables espèces, telles que les paradisiers ou les kangourous arboricoles, et qui procurent des moyens de subsistance à diverses communautés indigènes.
Le gouvernement provincial de la Papouasie occidentale s’est décidé à lancer une enquête approfondie, en réponse aux nombreuses protestations des habitants, aux campagnes à l’échelle nationale et internationale, à des investigations et des échanges avec des groupes d’intérêts. Il est assisté par l’agence nationale anti-corruption KPK et par des organisations de la société civile. Les permis de 38 sociétés sont en cours d’examen, ainsi que des dizaines d’autres dans la province voisine de Papouasie.
De nombreuses irrégularités ont été constatées, comme le chevauchement de permis délivrés par différentes administrations et fonctionnaires. Dans de nombreux cas, les permis ont expiré ou sont partiellement manquants. Le résultat, encore temporaire, est impressionnant. Les concessions pour l’exploitation de plantations de palmiers à huile ont été retirées à 14 entreprises. Des procédures sont en cours contre 24 autres sociétés productrices d’huile de palme pour d’autres violations administratives et juridiques.
Le retrait des permis est intervenu après des années de lutte des communautés indigènes de Papouasie occidentale pour la revendication de leurs droits sur les forêts et la défense de leurs territoires contre les sociétés d’huile de palme. Plus de 200 Autochtones ont protesté devant la résidence du chef du district de Sorong le 20 mai 2021, pour exiger du gouvernement la continuation de l’examen des licences.
« Nous, indigènes de la tribu Tehit, sommes ici aujourd’hui car nous rejetons les entreprises d’huile de palme », déclarait alors Yuliana Kedemes, la meneuse de la manifestation. « Nous ne les autorisons pas à venir ici, car où vivront nos enfants et nos petits-enfants à l’avenir ? Nous demandons ainsi au gouvernement d’annuler les permis d’exploitation de l’huile de palme. »
Notre organisation partenaire Pusaka salue la décision du gouvernement provincial qu’elle considère comme une étape importante vers la reconnaissance des droits des populations indigènes en Papouasie occidentale : « Révoquer les licences des entreprises est la bonne démarche juridique pour mettre fin aux injustices sociales et économiques et restituer les droits sur les forêts à leurs habitants ancestraux, car eux seuls utilisent de manière durable la forêt et assurent sa conservation. »
Il est important que, suite à la révocation des concessions, le droit d’usage de ces forêts soit restitué aux communautés indigènes. Et rapidement. Les ONG craignent en effet que des nouvelles licences pour ces zones soient accordées à d’autres entreprises, du secteur minier par exemple.
Trois sociétés d’huile de palme ont par ailleurs intenté une action en justice devant le tribunal administratif de Jayapura contre le retrait de leurs licences. Là-bas, le chef du district de Sorong défend désormais les droits du peuple dont il est issu.
Cette décision historique suscite beaucoup d’attentes de Franky Samperante (Pusaka) : « Il faut espérer que, à l’avenir, le gouvernement de la province de Papouasie occidentale mettra un terme à la déforestation croissante et se concentrera uniquement sur un développement économique qui préserve la forêt avec ses ressources naturelles et qui respecte les habitants. »
Il est important maintenant que les droits sur les forêts des populations autochtones soient officiellement entérinés. C’est la seule façon d’éviter la cession d’aires forestières à des entreprises. Les permis pour les plantations de palmiers à huile signifieraient la coupe à blanc de grandes zones, l’usage d’herbicides synonyme de pollution à long terme, des dégâts environnementaux et la disparition de nombreuses espèces.
La province voisine de Papouasie connaît un scénario similaire, avec l’examen en cours de 58 sociétés productrices d’huile de palme. 35 d’entres elles feront l’objet de sanctions si les autorités et les tribunaux suivent les recommandations de la Commission anti-corruption et des ONG. Nous espérons que le gouverneur de Papouasie imitera son homologue de Papouasie occidentale, car il signifierait le sauvetage d’un demi-million d’hectares de forêt tropicale.
L’évolution de la situation en Nouvelle-Guinée occidentale montre que, lorsque tout le monde s’y met, faire campagne et pression porte ses fruits…