Huile de palme : les banques de développement cherchent à fuir leur responsabilité en RDC
4 mars 2022
Plusieurs banques de développement européennes ont vendu leurs participations financières dans la société Plantation et Huileries du Congo (PHC), marquant la fin d’une période de neuf ans pendant laquelle plus de 150 millions de dollars ont été dépensés malgré l’accaparement des terres et les violences. La population risque maintenant d’être laissée seule face aux nouveaux investisseurs.
L’investissement dans la société Plantation et Huileries du Congo (PHC) en République démocratique du Congo est un exemple de l’échec cuisant des banques de développement à empêcher l’appauvrissement, la spoliation et la répression des communautés locales dans les pays du Sud.
Un consortium de plusieurs banques de développement a dépensé en neuf ans plus de 150 millions de dollars américains pour soutenir PHC et son ancien propriétaire Feronia Inc. La banque allemande de développement DEG y participait depuis 2015 à hauteur de 16,5 millions de dollars. Aujourd’hui, DEG (Allemagne), BIO (Belgique), CDC (Royaume-Uni) et FMO (Pays-Bas) ont vendu leurs dernières participations financières dans PHC pour un montant non communiqué.
De graves violations des droits humains et des crimes environnementaux ont été commis avant et pendant la participation. Début 2021, plus de 15 personnes auraient été ainsi arrêtées arbitrairement et deux villageois tués par des agents de sécurité de PHC. À l’origine, l’entreprise a obtenu ses concessions foncières en accaparant les terres de la population à l’époque de l’empire colonial belge.
Les banques de développement portent une lourde responsabilité dans ce scandale. Alors qu’elles possédaient la majorité des parts et des dettes de la société et qu’elles étaient largement représentées dans son conseil d’administration, elles n’ont pas mis fin à la violence ni résolu les conflits fonciers entre PHC et les communautés.
Le désengagement des banques publiques risque d’aggraver la situation pour la population locale. En 2018, onze communautés avaient déposé une plainte officielle et attendaient un processus de médiation afin de d’obtenir la reconnaissance de leurs droits fonciers et des réparations. Mais celui-ci n’a pas progressé en l’espace de trois ans. Les banques ont beau souligner que la médiation se poursuit malgré la vente. Mais sans participations financières dans PHC, leur possible influence est incertaine.
La responsabilité du processus est désormais confiée aux nouveaux propriétaires et dirigeants de la société, qui n’inspirent guère confiance : la directrice générale de PHC, Monique Gieskes, a été condamnée à six mois de prison en 2021. Les tensions entre l’entreprise et les villageois se sont intensifiées, entraînant une escalade de la violence.
30 organisations non gouvernementales d’Afrique, d’Europe et des États-Unis affirment dans une déclaration commune qu’elles continueront à « soutenir les communautés de la RDC » et à « demander des comptes aux banques de développement pour les préjudices qu’elles ont causés ».
Notre campagne de soutien aux communautés de Lokutu continue. Vous pouvez y participer en signant notre pétition.
En 2020, les banques de développement auraient pu soulager la détresse de la population lorsque l’ancien propriétaire de PHC, l’entreprise canadienne Feronia Inc, a déposé son bilan. Au lieu de cela, PHC a été pour ainsi dire donnée au fonds d’investissement. Les banques de développement ont annulé 80% de la dette de PHC et ont passé en perte toutes leurs actions dans Feronia.
La propriété réelle de l’entreprise est toujours contestée devant des tribunaux aux États-Unis, au Canada et en République démocratique du Congo. L’une des parties du litige est menée par Kuramo Capital et ses investisseurs, parmi lesquels la Bill & Melinda Gates Foundation selon l’étude "Meet the Investors" de l’Oakland Institute.
à Maku Holdings, filiale de Kuramo Capital