La Cour suprême du Panama déclare une mine de cuivre anticonstitutionnelle, poursuite des manifestations
30 nov. 2023
Victoire d’étape importante de la population du Panama contre l’industrie minière et la corruption généralisée : la Cour suprême a déclaré à l’unanimité que le permis d’exploitation de la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert d’Amérique centrale était inconstitutionnel. Les manifestations se poursuivront toutefois jusqu’à ce que tous les projets miniers du pays soient abandonnés.
Des milliers de personnes ont défilé dans les rues du Panama ce mardi pour célébrer une importante décision de justice contre l’industrie minière. Le jour du 202e anniversaire de l’indépendance (vis-à-vis de l’Espagne), la Cour suprême a jugé que la loi 406, qui régit le contrat entre l’Etat panaméen et la plus grande mine de cuivre d’Amérique centrale, viole 25 articles de la Constitution du pays.
La loi 406 avait été adoptée à la hâte par le parlement et le gouvernement le 20 octobre 2023 et visait à légaliser la plus grande mine à ciel ouvert de cuivre, d’or, d’argent et de molybdène d’Amérique centrale, pour une période pouvant aller jusqu’à 40 ans. Les exploitants sont la société canadienne First Quantum Minerals et sa filiale Minera Panama.
« Nous célébrons ce triomphe de la décision de la Cour suprême qui déclare inconstitutionnel le contrat minier 406 », rapporte Olmedo Carrasquilla, de notre organisation partenaire Radio Temblor - Colectivo Voces Ecólogicas, en direct d’une manifestation. « Aujourd’hui, 28 novembre 2023, le peuple panaméen a dit un non sans équivoque à l’exploitation par l’industrie minière. Les gens font la fête parce qu’ils veulent une économie réellement solidaire, populaire et écologique, ainsi qu’un un pays libre de toute corruption. »
La mine de cuivre, dont le projet a été lancé en 1997, a déclenché des protestations massives dans tout le pays depuis plus de quatre semaines, à cause de son impact sur l’environnement et les populations qui y vivent, ainsi que de la faible participation de la société au processus d’autorisation. Des milliers de personnes ont depuis paralysé le pays par des manifestations, des barrages routiers et des grèves, pour exiger la fermeture de l’exploitation minière, qui se trouve dans une réserve naturelle en plein cœur de la forêt tropicale.
Nous continuerons jusqu’à ce que notre pays soit débarrassé de l’exploitation minière
« Les protestations et la résistance contre l’exploitation minière au Panama se poursuivent car il y a d’autres concessions de mines, dont le projet Santa Rosa de la société Veragold », nous a rapporté par vidéoconférence notre partenaire Olmedo Carrasquilla de Radio Temblor - Colectivo Voces Ecólogicas. « Aux côtés des communautés affectées par l’exploitation minière et les mouvements sociaux du pays, nous demandons le retrait total de la loi 406. »
Depuis le début, le gouvernement et les autorités panaméennes ont imposé la mine de cuivre en violation de la loi. Dès 2009, l’organisation environnementale Centro de Incidencia Ambiental (CIAM) avait déposé une plainte contre le projet minier, qui s’appelait alors Minera Petaquilla. En décembre 2017, la Cour suprême avait déclaré inconstitutionnelle le permis de concession délivré à l’époque.
Le jugement, entré en vigueur seulement en septembre 2018 avec la publication au Journal officiel, n’avait alors pas été appliqué par le gouvernement et les autorités. Minera Panamá a continué la construction du complexe minier, industriel et portuaire et commencé à extraire et à exporter du cuivre un an plus tard. À ce jour, l’exploitation minière est toujours en fonctionnement malgré les jugements.
First Quantum Minerals menace d’intenter une action en justice devant le tribunal d’arbitrage de la Banque mondiale
First Quantum Minerals a tenté de faire pression sur les autorités et le gouvernement du Panama avant le jugement. D’après l’AFP, la société minière a annoncé qu’elle envisageait de déposer une demande d’arbitrage contre la République du Panama devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) du Groupe de la Banque mondiale, basé à Washington DC.
L'accord de libre-échange existant entre le Panama et le Canada fournit le cadre pour des poursuites devant un tel tribunal d’arbitrage privé. Avec de telles actions en dommages et intérêts de plusieurs millions de dollars, les entreprises étrangères tentent régulièrement de passer outre les lois nationales sur la protection de l’environnement ou les aspects sociaux.
Voir la vidéo avec Olmedo Carrasquillo de Radio Temblor sur Youtube : https://youtu.be/JwFSOjJ4tvk?si=DBTieEeoFoUu4m7p
En décembre 2017, la Cour suprême
OCMAL 2018. Corte Suprema de Justicia de Panamá declara inconstitucional contrato con Minera Petaquilla: https://www.ocmal.org/corte-suprema-de-justicia-de-panama-declara-inconstitucional-contrato-con-minera-petaquilla/
France Press - Radio Canada 2023. Le Panama prêt à se défendre si un groupe minier canadien recourt à l’arbitrage: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2030260/panama-groupe-minier-canadien-justice