Brésil : une dirigeante Pataxó tuée lors d’une attaque de propriétaires terriens et de policiers

Une participante aux funérailles embrasse la sœur de Maria de Fátima Muniz Pataxó dite "Nega", la dirigeante indigène tuée Forte émotion lors des funérailles de Maria de Fátima Muniz Pataxó (© Teia dos Povos) Affiche commémorative pour la dirigeante pataxó assassinée Maria de Fátima Muniz Pataxó ("Nega") avec l’inscription Maria de Fátima Muniz Pataxó, aussi appelée "Nega", abattue lors d’une expédition punitive de 200 propriétaires terriens et de policiers le 21 janvier 2024 (© Teia dos Povos) Joelson, de l’organisation partenaire du RdR Teia dos Povos, embrasse la sœur de la dirigeante indigène abattue Maria de Fátima Muniz Pataxó, aussi appelée "Nega" Joelson, de notre organisation partenaire Teia dos Povos, embrasse la sœur de la dirigeante indigène abattue (© Teia dos Povos)

29 janv. 2024

Les conflits fonciers et l’exploitation des ressources provoquent une recrudescence des violences à l’encontre des populations autochtones au Brésil. 200 grands propriétaires terriens et membres de la police militaire ont utilisé WhatsApp pour coordonner une attaque armée contre les Pataxó le 21 janvier. L’une de leurs dirigeantes a été tuée et son frère grièvement blessé.

Le 21 janvier, de grands propriétaires terriens liés à un mouvement autoproclamé "Invasão Zero" ("Invasion zéro"), accompagnés de policiers et d’hommes armés, ont attaqué le peuple Pataxó Hã-Hã-Hãe dans le sud de l’État brésilien de Bahia, rapporte sur Instagram notre organisation partenaire brésilienne Teia dos Povos ("Réseau des peuples") dont les Pataxó sont membres.

La chamane Maria de Fátima Muniz Pataxó, aussi appelée "Nega", a été abattue lors de l’attaque du territoire indigène Caramuru-Catarina Paraguassu. Selon Teia dos Povos, son frère Nailton Pataxó, l’un des chefs autochtones les plus anciens et les plus respectés de Bahia, a été gravement blessé par balle à la jambe et à la hanche et a été transporté à l’hôpital pour y être opéré quelques heures plus tard.

D’autres autochtones ont été blessés lors de l’attaque dans le district de Potiraguá, leurs véhicules ont été incendiés et leurs téléphones portables ainsi que leurs réserves de nourriture ont été détruits, écrivent nos partenaires d’Avispa Midia.

Une attaque coordonnée sur WhatsApp

D’après le Ministère des peuples indigènes, 200 grands propriétaires terriens se seraient rassemblés via le réseau social WhatsApp pour reprendre une parcelle de terre occupée par les autochtones. La foule s’est réunie sur un pont sur le Rio Pardo puis a encerclé la zone avec des dizaines de véhicules tout-terrain.

Cette attaque serait une réponse à une action en justice intentée par la population indigène qui revendique ces terres. Selon Teia dos Povos, les terres ont déjà été attribuées aux autochtones par les tribunaux. L’autorité indigène FUNAI n’a cependant pas encore entamé le processus de démarcation du territoire.

Tous les accès à la région ont été fermés selon les indigènes : « Tout a été bouclé par la police militaire et les hommes armés », affirme le Pataxó cité par Teia dos Povos. « La police militaire, qui prétendait jouer le rôle de médiateur, a ouvert la voie aux grands propriétaires terriens pour qu’ils attaquent les Pataxós. Ceux-ci ont tiré sur les indigènes en présence de la police de Bahia, avec son consentement puis sa participation ultérieure. »

La police militaire impliquée dans  l’attaque

Les parquets, au niveau fédéral et local, ont déclaré qu’une milice armée de policiers militaires était déjà impliquée dans le meurtre de trois jeunes indigènes en 2022. Le gouvernement brésilien cherche apparemment à redéployer des forces armées nationales dans la région en raison de l’implication de la police locale dans cette attaque.

Deux grands propriétaires terriens auraient été arrêtés pour homicide. D’après un enquêteur de la police civile d’Itapetinga, le tir mortel proviendrait de l’arme du fils d’un grand propriétaire terrien.

Seulement un mois auparavant, le 21 décembre 2023, le chef du peuple Pataxó Hã-Hã-Hãe, Lucas Santos Oliveira, était tué dans une embuscade alors qu’il rentrait avec son fils sur la terre indigènes de Caramuru-Catarina Paraguassu. 51 membres du peuple Pataxó ont été assassinés à Bahia entre 2012 et 2022 selon le parquet fédéral brésilien.

Dans un discours, le président brésilien Lula da Silva a exprimé sa solidarité avec les proches de l’indigène assassinée et affirmé la disponibilité du gouvernement fédéral pour aider le gouverneur de Bahia et les peuples indigènes à trouver une solution pacifique.

La ministre des Peuples autochtones, Sônia Guajajara, s’est rendue à Bahia lundi pour manifester sa solidarité et accompagner le peuple indigène Pataxó Hã-Hã-Hãe lors de la veillée funèbre de Nega Pataxó. Elle s’est également entretenue avec le leader indigène Nailton, qui a été blessé, et avec d’autres indigènes à l’hôpital.

La législation porte atteinte aux droits fonciers des populations autochtones

L’Association des peuples indigènes du Brésil (APIB) a condamné l’agression armée dans une déclaration et a souligné l’importance d’assurer la démarcation des territoires autochtones afin de résoudre les conflits fonciers croissants au Brésil. L’APIB déplore la recrudescence de la violence de la part des propriétaires terriens et des lobbyistes de l’agro-industrie qui affirment, entre autres, que de "faux indigènes" revendiquent des terres.

L’association indigène et le Conseil indigéniste missionnaire (CIMI) font référence à la loi fédérale 14.701/2023 adoptée par le Congrès brésilien en décembre qui, selon eux, « a donné un élan supplémentaire aux exploitants agricoles, aux hommes d’affaires et aux politiciens (…) pour attaquer les communautés indigènes dans le but d’expulser par la force les familles de leurs terres traditionnelles. »

Le président Lula avait opposé son veto à l’initiative législative, connue sous le nom de "Marco temporal", affirmant qu’elle portait atteinte à la protection des droits territoriaux des peuples autochtones. Mais en décembre, le Congrès brésilien, où les lobbyistes de l’agro-industrie sont majoritaires, est passé outre et adopté le projet de loi.

L’APIB a demandé à la Cour suprême fédérale d’annuler la loi, qualifiée de "génocidaire" par les indigènes, en raison de son inconstitutionnalité et de la violation des droits des populations autochtones.


  1. "faux indigènes"

    “falso índio”

    Source : Articulación de los Pueblos Indígenas de Brasil – APIB (21/0/.2024)  Pajé do povo Pataxó Hã-hã-hãe é assassinada durante ataque de fazendeiros e PMs à retomada na Bahia

  2. selon eux

    Source : Conselho Indigenista Missionário / CIMI (22/01/2024)  Em 2024, violência contra os povos indígenas persiste no Sul e Extremo Sul da Bahia

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