RDC : décision historique en faveur du retour des Batwa sur leurs terres ancestrales
7 août 2024
La Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples estime l’expulsion forcée des autochtones Batwa lors de la création du parc national de Kahuzi-Biega comme une violation de leurs droits par le gouvernement de la République démocratique du Congo.
L’arrêt reconnaît en outre que les peuples autochtones sont les meilleurs gardiens de la biodiversité et que c’est une erreur de les expulser de leurs terres dans le but protéger la nature. Compte tenu de la longue tradition des Batwa en matière de protection des forêts de la région, leur déplacement forcé a également été préjudiciable à l’environnement.
« La décision de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples réaffirme notre position selon laquelle le concept de "conservation forteresse" est erroné. Les expulsions visant à créer des aires protégées vides de toute présence humaine sont inacceptables. La protection de la nature ne doit pas se faire au prix de la violation des droits humains », déclare Marianne Klute, présidente de Sauvons la forêt.
Le gouvernement de Kinshasa doit maintenant appliquer la décision.
« L’Allemagne est depuis de nombreuses années l’un des principaux bailleurs de fonds du parc national. Le gouvernement fédéral est donc également responsable de la mise en œuvre de la décision », poursuit Mme Klute.
En novembre 2022, la RDC avait déjà promulgué une loi devant faciliter l’accès des Batwa et d’autres peuples à la justice et aux services sociaux de base et qui reconnaît leurs coutumes et leurs traditions. Les populations autochtones doivent être associées aux décisions importantes, dans leur propre langue, et profiter des revenus de leurs terres et de leurs ressources.
Lorsque le parc national de Kahuzi-Biega (PNKB) a été créé dans les années 1970 pour protéger les gorilles, les Batwa qui vivaient dans cette forêt depuis des générations ont été déplacés. Depuis, beaucoup vivent dans une grande pauvreté à la périphérie de la zone protégée et souffrent d’une violence extrême.
Selon un rapport de l’organisation de défense des droits de humains Minority Rights Group publié en 2022, les écogardes du parc national accompagnés de soldats congolais ont mené une campagne de violence pour expulser les Batwa de leurs terres, qui a entraîné la mort d’au moins 20 personnes, le viol de nombreuses femmes et le déplacement forcé de centaines d’autres.
Lors d’un voyage sur le terrain en République Démocratique du Congo en 2021, nous avons rendu visite à des Batwa dans un village proche de la ville de Bukavu et écouté leur témoignages sur les violences auxquelles ils sont confrontés. Depuis, nous travaillons avec l’organisation locale CAMV à un projet commun : "Les Batwa ET les gorilles".
Dans sa décision, la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples indique que le gouvernement de la RDC a enfreint 11 articles de la Charte africaine, notamment les droits à la vie, à la propriété, aux ressources naturelles, au développement, à la religion et à la culture. La Commission a formulé plusieurs recommandations à la RDC :
- l’octroi de titres collectifs aux Batwa sur leurs territoires ancestraux au sein du parc national de Kahuzi-Biega,
- la reconnaissance légale des Batwa comme citoyens à part entière de la République démocratique du Congo,
- la présentation d’excuses publiques complètes aux Batwa, en reconnaissant les mauvais traitements infligés par les écogardes, les décès et les conditions de vie inhumaines,
- le versement d’indemnités aux Batwa ainsi que le partage des revenus du parc national et de la forêt.
- le départ des personnes non Batwa des terres des Batwa.
Les organisations de défense des droits humains Minority Rights Group et Environnement, Ressources Naturelles et Developpemennt (ERND) avaient lancé la procédure auprès de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en 2015, au nom des Batwa du Parc national de Kahuzi-Biega.
Centre d’accompagnement des Autochtones Pygmées et Minoritaires Vulnérables
Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
Arrêt (en particulier la page 57) :
https://minorityrights.org/app/uploads/2024/07/communication-588-decision-french-version-1.pdfLa Commission a apporté quelques corrections au texte de l’arrêt (en anglais) :
https://minorityrights.org/app/uploads/2024/07/communcation-588-002-decision--english-version.pdf