L’Académie européenne des sciences alerte sur la bioénergie industrielle
16 sept. 2019
L’Académie européenne des sciences demande à l’UE d’agir : le déboisement dédié à la production de bioénergie nuit aux forêts et au climat. La combustion massive de bois dans les centrales électriques promue par la directive relative aux énergies renouvelables n’est pas neutre en carbone et aggrave le réchauffement climatique.
Défricher les forêts et transformer le bois des arbres en granulés pour les brûler dans de vastes centrales pour la production d’électricité nuit non seulement aux forêts mais également au climat, avertit le groupement européen des académies des sciences nationales European Academies Science Advisory Council (EASAC).
Dans le domaine de la bioénergie, de graves disparités subsistent entre le monde scientifique et la politique climatique de l’UE. L’EASAC critique l’UE et ses pays membres car, de par sa politique bioénergétique, elle encourage la coupe de bois industrielle pour la fabrication de granulés qui, de surcroît, sont transportés sur des milliers de kilomètres.
Malgré les multiples avertissements des scientifiques, la directive sur les énergies renouvelables de l’Union Européenne révisée l’an dernier continue toujours d’encourager la combustion de biomasse comme « énergie renouvelable » et la classe même comme « neutre en carbone »et « zéro émission », comme le rapportent les scientifiques dans l’étude de base.
D’après eux, « Le concept de "neutralité climatique" est une déformation grossière du bilan CO2 de l’atmosphère ». Il fait abstraction de la durée considérable nécessaire au déroulement des processus de photosynthèse, de plusieurs décennies à des siècles, avant que les arbres abattus puissent être remplacés par de nouveaux arbres.
Lorsque la biomasse est brûlée, le carbone qui y était piégé est libéré d’un coup dans l’atmosphère. Remplacer le charbon dans les centrales par des granulés de bois entraîne donc une augmentation des émissions de CO2 par kilowattheure (KWh) d’électricité produite, exacerbant ainsi le changement climatique.
Avec 9,6 à 12,2 GJ par mètre cube, les granulés de bois ont une teneur énergétique plus faible que le charbon (18,4 - 23,8 GJ/m3). Il faut ajouter à cela l’apport énergétique élevé nécessaire à la coupe de bois, au transport ainsi qu’au séchage du bois et à sa transformation en granulés. Un fossé temporel sépare la libération du carbone et sa possible réabsorption par les arbres nouvellement plantés.
Ces dernières années, la production de granulés de bois à partir de biomasse forestière n’a cessé d’augmenter et pourrait cette année atteindre 24 millions de tonnes dans le monde selon les estimations du secteur. Près de 50 millions de mètres cubes de bois seraient nécessaires en contrepartie. La majeure partie de ces granulés industriels serait destinée à la production d’électricité dans des centrales.
Presque 440 millions de mètres cubes (m3) de bois et de résidus de bois utilisés comme matériau combustible représentent la plus grande partie de l’énergie renouvelable dans l’Union européenne.
Part des bioénergies dans les énergies renouvelables au sein de l’UE en 2016
Depuis 2001, l’European Academies Science Advisory Council (EASAC) est un groupement des académies nationales des sciences des États membres de l’UE, ainsi que de Norvège et de Suisse. Il a pour but d’émettre des recommandations scientifiques indépendantes aux décideurs politiques dans les domaines de l’énergie, de l’environnement et des sciences du vivant. Le secrétariat de l’EASAC siège à l’Académie allemande des sciences Leopoldina à Halle.
Sources
• Communiqué de presse du 11 septembre 2019 EASAC’s Environmental Experts call for international action to restrict climate-damaging forest bioenergy schemes (Les experts environnementaux de l’EASAC demandent une action internationale pour freiner les programmes de bioénergie forestière nuisibles au climat)
• Étude du 22 août 2019 Serious mismatches continue between science and policy in forest bioenergy (De graves disparités subsistent entre le monde scientifique et la politique de bioénergie forestière)