Huile de palme : amende record pour une entreprise incendiaire à Jambi
20 avr. 2020
Un tribunal indonésien a accordé « le bénéfice du doute à la nature » et condamné l’entreprise d’huile de palme PT ATGA à payer une amende de 35 millions d’euros pour des feux de forêts déclenchés en 2019 dans une tourbière dans la province de Jambi.
Chaque année, des forêts, des plantations et des sols tourbeux brûlent en Indonésie. Les émissions générées par ces feux catapultent le pays dans la liste des principaux émetteurs de gaz à effet de serre mondiaux. Chaque année, des millions de personnes dans toute l’Asie du Sud-Est doivent supporter d’épais nuages de fumée et de poussière et souffrir de maladies respiratoires, très souvent fatales.
Le ministère des forêts indonésien soupçonne des centaines de plantations de palmier à huile d’avoir allumé les feux ou de ne pas avoir pris les précautions nécessaires pour lutter contre les incendies. Mais il s’écoule souvent plusieurs années avant qu’un procès soit ouvert, si procès il y a. Ainsi, de nombreuses entreprises soupçonnées d’avoir déclenché des incendies criminels en 2015 s’en sont tirées impunément.
Au cours d’une affaire particulièrement grave, la justice indonésienne a réagi rapidement et fait preuve d’une étonnante fermeté. Le 13 avril 2020, un tribunal de Jambi a condamné l’exploitant PT Agro Tumbuh Gemilang Abadi (PT ATGA) à payer une amende de 35 millions d’euros (590.543.023.000 rupiahs).
Selon le verdict, PT ATGA a laissé 1 500 hectares partir en flammes sur sa concession. Le tribunal a retenu la « responsabilité stricte » (strict liability), car une grande partie de la concession d’ATGA était située sur des sols tourbeux.
Les feux de tourbe sont particulièrement difficiles à éteindre et émettent 50 fois plus de gaz à effet de serre que ceux des forêts tropicales. Ils sont la cause principale du taux élevé d’émissions de l’Indonésie.
En 2019, plus de 18 000 hectares de forêts et de plantations, dont la moitié de sols tourbeux, ont brûlé à Jambi sur l’île de Sumatra. Selon les autorités, les incendies ont ravagé 3 499 hectares de monocultures d’acacia destinées à l’industrie papetière, 4 359 hectares de plantations de palmier à huile, 1 193 hectares de forêt productrice appartenant à différents groupes, 2 954 hectares de forêts et de champs appartenant à la population et 6 579 hectares de tourbières prévues pour la renaturalisation et la reforestation.
Cinq entreprises d’huile de palme, dont PT ATGA, et de cellulose agissent à proximité immédiate de la réserve naturelle de Londerang, qui abrite au moins quatre dômes de tourbe très profonds. Les incendies annuels déclenchés dans les plantations atteignent régulièrement la réserve. La forêt de tourbières marécageuses est aujourd’hui presque complètement détruite. C’est pourquoi les autorités en charge des tourbières ont essayé de la réhumidifier et de la restaurer en collaboration avec des organisations de protection de l’environnement. Malheureusement, l’échec est total, comme le prouvent la répétition des incendies.
Le requérant contre l’entreprise PT ATGA était le service juridique du ministère des forêts, qui a pu s’appuyer sur des preuves rapportées par notre partenaire Grüner Verein, ainsi que d’autres organisations environnementales.
Rasio Ridho Sani, directeur général du service juridique, se félicite du verdict rendu par le tribunal, qui a condamné un crime environnemental en appliquant le principe « In dubio pro natura ». Les organisations environnementales considèrent ce jugement comme une victoire d’étape et continuent de demander la fermeture définitive des entreprises incendiaires. Cela serait tout à fait indiqué dans ce cas, au vu de l’étendue des dégâts engendrés par les groupes d’huile de palme et de cellulose.