Non aux méga-plantations dans la forêt des Mahuze !

Deux hommes du peuple autochtone Mahuze dans la province indonésienne de Papouasie Les Mahuze luttent contre le méga-projet agricole MIFEE (© Richard Mahuze)

Le président Jokowi a fait la promesse de protéger les forêts tropicales et les peuples autochtones d’Indonésie lors de sa prise de fonction Il souhaite pourtant offrir 1,2 millions d’ha de forêts et de terres coutumières à l’industrie agroalimentaire dans la province de Papouasie. Rappelons-lui ses engagements !

Mises à jour Appel

Au président de la République d’Indonésie

“Stop aux grands projets agro-industriels MIFEE et Merauke en Papouasie ! Merci de protéger la forêt et de respecter les droits du peuple autochtone Malind.”

Afficher la lettre de pétition

1,2 millions d’hectares doivent être converties en rizicultures industrielles d’ici trois ans à Merauke dans la province de Papouasie (ou Papua). « Merauke doit devenir un grenier à riz pour l’Indonésie, mais aussi pour toute la planète. Nous disposons ici de millions d’hectares ! » affirmait enthousiaste le président indonésien Joko Widodo sur place en mai dernier. 4,6 millions d’hectares sont envisagés à moyen terme.

Ce que le prédisent a omis de dire : les rizicultures occuperaient alors la totalité de Merauke. Tout son écosystème unique fait de forêts sèches et humides, de marais, de savanes et de mangroves serait anéanti. Mais pas seulement, Cela signifierait aussi la fin de la culture et du mode de vie traditionnels du peuple Malind, 70.000 autochtones dispersés dans la forêt vivent actuellement du sagoutier et de la culture petites parcelles agricoles.

« Nous vivons de la forêt et du sagou, et pas du riz ! » s’emporte un des anciens du village. « Céder nos terres serait un suicide. Sans elles, nos enfants et petits-enfants n’auraient aucune place. »

Il encore possible de stopper les bulldozers !

Les familles Malind ont de bonnes raisons de s’inquiéter du projet présidentiel car Merauke est déjà défiguré par le méga-projet agro-industriel MIFEE (Merauke Integrated Food and Energy Estate). Depuis 2010, c’est-à-dire moins de cinq ans, plus d’un million hectares - soit un quart du chef-lieu - sont tombés aux mains des entreprises agro-industrielles qui les ont défriché pour leurs cultures de canne à sucre, d’eucalyptus et d’huile de palme.

Le président Jokowi avait promis de protéger les forêts et de respecter le droit des peuples autochtones au cours de sa campagne électorale victorieuse.

Demandons-lui de tenir sa promesse en protégeant les paysages naturels uniques de la Papouasie !

Contexte

La province de Papouasie et Merauke

La nouvelle Guinée est la deuxième plus grande île au monde. Sa partie orientale est l’état indépendant de Papouasie Nouvelle Guinée. Sa partie occidentale, sous contrôle indonésien depuis 1962, comprend les provinces de Papouasie (aussi appelée Papua) et de Papouasie occidentale (Papua Barat).

Situé dans le sud est de la province de Papouasie, Merauke est, avec 4,5 millions d’hectares, le plus grand département (en indonésien Kabupaten) de l’état indonésien. Sa population s’élève à 300.000 habitants, soit une densité de 0,7 hab/km². Le nombre d’autochtones varie entre 50.000 et 80.000 selon les estimations. Avec un ratio de 1 pour 4, les Papous ont dont un net désavantage démographique vis-à-vis des nouveaux venus.

À Merauke vivent plusieurs groupes ethniques du peuple Malind, des chasseurs-cueilleurs se nourrissant de la forêt, de sagoutiers et de la culture de petites parcelles. Les plus grands problèmes de Merauke résident, à l’instar des autres Kabupaten de Papouasie, dans l’absence quasi-totale d’infrastructures, d’écoles et de services de santé.

Toute l’économie de la région est dominée par des étrangers. Merauke fut l’une des zones de destination du programme de transmigration indonésien (transmigrasi). De nombreux villages furent établis près de la frontière de Papouasie Nouvelle Guinée par des colons venus de Java et d’autres îles surpeuplées. L’armée est aussi fortement présente dans la région. L’exploitation économique et l’occupation militaire conduisent à la marginalisation des Papous.



La Papouasie et l’huile de palme

L’huile de palme ne jouait absolument aucun rôle en Papouasie il y a encore quelques années. Certes, quelques petites plantations de palmiers à huile existaient, mais leur rendement était faible et leur importance économique négligeable. La Papouasie est devenue une cible de l’agro-industrie à partir de la mise en place des politiques de soutien aux énergies renouvelables des pays (fortement) industrialisés.

Pour participer à l’essor de l’huile de palme, le gouvernement de Jakarta s’est donné comme objectif de convertir 20 millions d’hectares en cultures d’huile de palme d’ici à 2025. La moitié (10 millions d’ha) concerne Kalimantan (nom de la partie indonésienne de Bornéo) et 7 millions d’ha pour les deux provinces indonésiennes de Papouasie. Mais ce n’est pas tout, car le ministère de l’Agriculture souhaite développer, des plantations de jatropha, de manioc, de sagoutiers et de canne à sucre sur une échelle similaire, notamment en Papouasie, pour la production d’agrocarburants.

Jusqu’en 2023, la Papouasie était divisée en sept provinces. Le district de Merauke appartient désormais à la province de Papua Selatan (Papouasie du Sud).

« Le marché européen décide et nous adaptons nos plantations en conséquence » expliquait John Gluba Gebze, l’ancien chef du département (kabupaten) de Merauke. Le boom de l’huile de palme a pris véritablement son essor au début de l’année 2007 avec l’octroi de concessions de grande envergure dans les forêts du district de Merauke.

Le plan de transformer Merauke en un centre pour l’agriculture industrielle a pris forme en 2009 avec le lancement du projet Merauke Integrated Food and Energy Estate (MIFEE). C’est à ce moment là que la vaste offensive sur les forêts a réellement débuté.



MIFEE – Merauke Integrated Food and Energy Estate

MIFEE est le plus grand et le plus important projet économique actuel en Indonésie. Lancé officiellement en 2010, il consiste en un projet industriel en agroalimentaire de production intensive d’huile de palme (énergie / agrocarburants) et de riz (alimentation). Des dizaines de sociétés d’Indonésie et d’Asie y sont impliquées. L’accaparement des terres se fait généralement par la fraude et d’autres procédé douteux, ou sous protection militaire. Les résistances sont durement réprimées. Plus d’un quart du kabupaten est déjà entre les mains des groupes agro-industriels.

MIFEE ne menace pas seulement la forêt et les autres écosystèmes, il menace aussi gravement l’existence des autochtones. Ces derniers n’ont aucune chance contre l’accaparement de leurs terres. Ils se retrouvent marginalisés et discriminés. Il existe des résistances contre la colonisation, contre les méthodes criminelles des grandes entreprises asiatiques, contre la coupe rase de merveilleuses forêts. Mais ces résistances sont le plus souvent réprimées par les militaires omniprésents.

La poursuite du projet MIFEE oblige à se demander sérieusement pourquoi le président indonésien a trahi si manifestement sa promesse de protéger les forêts et les droits peuples autochtones.



Les plans du président Widodo : Merauke paradis de l’industrie agroalimentaire

Le gouvernement indonésien vise à établir 1,2 millions d’hectares (soit la superficie de l’île de France) de rizicultures industrielles à Merauke au cours des trois prochaines années. Ce développement sera porté par l’industrie agroalimentaire mécanisée et non par la promotion des petits exploitants.

Les investissements doivent être financés à la fois avec de l’argent public et par le secteur privé. Le projet sera réalisé conjointement par l’entreprise d’Etat Pupuk Indonesia Holding et la société créée pour l’occasion PT Pangan. Ces entreprises se verront attribuer au total un million d’hectares (250.000 ha pour Pupuk Indonesia Holding, 750 000 ha pour PT Pangan). Les 200 000 hectares restants du projet seront iront à des entreprises privées.

Le méga-projet rizicole fait partie du programme MIFEE (2010-2030). Sur le papier, MIFEE s’oriente sur la production d’aliments et d’énergie. Mais dans les faits, ce sont surtout des cultures d’huile de palme et de canne à sucre, c’est-à-dire pour la production d’énergie, qui ont été mises en place jusqu’ici.

Le programme alimentaire a une haute priorité politique. La plupart des rizicultures d’Indonésie sont situées à Java et à Bali, des îles au sol volcanique fertile et où résident la majorité de la population. Mais la surexploitation et le changement d’utilisation des terres, la dégradation des sols et la croissance de la population indonésienne forcent le pays à importer cet aliment de base qu’est le riz.

L’objectif du projet est d’assurer 30% de la production nationale de riz (70 millions de tonnes en 2014) à Merauke. Pour ce faire, la productivité devra doubler grâce à la mécanisation, passant de 4 à 8 tonnes de riz par hectare. La production annuelle serait alors de 24 millions de tonnes de riz.

À moyen terme, les plantations devraient s’étendre sur 4,6 millions d’hectares, soit une zone plus grande que la totalité du kabupaten. 266 274 ha de cultures d’huile de palme et 579 563 ha de canne à sucre (pour le secteur des agrocarburants) ainsi que 593 942 ha de plantations de bois (pour l’industrie du papier) ont été mis en place jusqu’ici dans le cadre du projet de MIFEE. Les cultures de riz, de patates douces, d’arachides et d’autres denrées alimentaires n’occupent pour leur part que 69 883 ha. Selon les ONG sur place, le reste du territoire, c’est-à-dire à peu près de trois millions d’hectares, est encore couvert de forêts.

Où seront établies les 1,2 millions d’hectares de rizicultures géantes projetées ? Étant peu probable que les plantations existantes de palmiers à huile et de canne à sucre soient converties à la culture du riz, la forêt de Merauke encourt un très grand danger. Et avec les forêts, ce sont les moyens de subsistance des autochtones Malind qui sont menacés. Les Papous sont ainsi confrontés à la fin de leur culture de peuple chasseur-cueilleur.

En soutenant MIFEE et le projet rizicole de Merauke, le président indonésien Joko Widodo agit en totale contradiction avec ses promesses électorales. Lors de sa campagne, M. Widodo s’était engager à lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts ainsi que pour le respect des droits humains de la population, notamment autochtone.




Informations supplémentaires

• Article de Grain Quand les lois privent les paysans de leurs terres : la réforme agraire à rebours de l’Asie
• Bulletin d’information de Forest Peoples Programme Indonésie : nouvel appel au CERD demandant la suspension du projet MIFEE en Papouasie pour la réparation et le respect des droits du peuple autochtone malind
• Rapport du Forest Peoples Programme La famine et la pauvreté en Indonésie : Appel des organisations de la société civile pour la suspension du projet MIFEE en Papouasie, en attente de réparation pour les collectivités locales
• Article d’Églises d’Asie En dépit d’une injection massive d’aide économique, les provinces de Papouasie ne sortent pas du sous-développement
• Article de GITPA Pacifique - Papouasie occidentale
• Article d’Action solidarité Tiers monde „Nourrissons l’Indonésie, nourrissons le monde“
• Article de Grain Les nouvelles frontières du palmier à huile
• Article de Survival Le pillage de terres en Papouasie condamné aux Nations-Unies
• Article d’Églises d’Asie Le programme de colonisation de la Papouasie par les migrants indonésiens se poursuit




Destinataire de la pétition

En plus de signer la pétition, il vous est possible de contacter directement son destinataire :

M. Joko Widodo, Président de la République d’Indonésie

Ambassade de la République d’Indonésie en France
47/49, rue Cortambert
75116 Paris
Tél : +33 (0)1 45 03 07 60
Fax : +33 (0)1 45 04 50 32
Courriel : kons@amb-indonesie.fr

Il vous est aussi possible de lui écrire directement sur les réseaux sociaux :

Facebook : https://www.facebook.com/presidenID?fref=ts
Twitter : https://twitter.com/jokowi

Lettre

Au président de la République d’Indonésie

Monsieur le Président,

Vous avez émis la promesse de protéger les forêts et de respecter les droits des peuples autochtones. Pourtant, les deux méga-projets agro-industriels «MIFEE» et «Merauke grenier à riz» menacent les forêts encore intactes de la province de Papouasie ainsi que le peuple Malind.

Plus d’un million d’hectares de terres ont déjà été converties depuis 2010 en cultures de canne à sucre, d’eucalyptus et d’huile de palme dans le cadre du projet MIFEE. La forêt disparait et les autochtones perdent leur territoire. Discriminés et marginalisés, ces derniers craignent pour leur existence-même.

Aujourd’hui, vous prévoyez la mise en place d’ici trois ans de 1,2 millions d’hectares supplémentaires de plantations industrielles. Seuls quelques entreprises profiteraient de ce projet, mais pas les petits exploitants agricoles ni les autochtones. Ne sacrifiez pas les forêts vitales de la Papouasie et les différents écosystèmes de Merauke. Veuillez respecter votre parole en protégeant les autochtones Malind dans le sud de la Papouasie.

Monsieur le Président, ne laissez pas la souveraineté alimentaire de l’Indonésie aux mains de quelques grandes entreprises. Je vous exhorte à aider les paysans, à défendre les droits des Indonésiens et en particulier des autochtones ainsi qu’à préserver la riche biodiversité de la Papouasie.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma considération et de ma vigilance citoyenne.

Mises à jour

Lancée en juin 2015, la pétition a été remise le mois d'octobre suivant au secrétariat du président Joko Widodo à Jakarta par des activistes. Elle comptait alors 82 000 signatures.

Un an plus tard, en 2016, la pétition a dépassé la barre des 170 000 signatures et a été remise de nouveau à la même instance, cette fois-ci par Franky Samperante de notre organisation partenaire Pusaka et par le pasteur Felix, directeur du bureau épiscopal Justice et Paix Merauke (SKP-KAME).

La pétition n'est pas parvenue à arrêter la déforestation en Papouasie. Elle a cependant constitué une étape importante vers une meilleure mise en réseau des personnes engagées dans la défense de l'environnement et des autochtones sur place.

En 2023, l'exploitation des ressources naturelles de la Papouasie a pris des proportions gigantesques, malgré la résistance locale et le soutien international. Les campagnes pour sauver les forêts de Papouasie ont également pris de l'ampleur et gagné en efficacité. La pétition compte près de 250 000 soutiens et, malgré son ancienneté, reste littéralement valable et nécessaire.


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Cette pétition est également disponible en :

249 096 signatures

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